Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’ayant plus profondément réfléchi sur la nature des choses — de natura rerum — j’aille écrire au contraire : Dieu, cause fatale de tout mouvement universel et supérieur, nous est infiniment mauvais, infiniment préjudiciable, infiniment gênant ; il nous fait disparaître dans ses plans comme l’araignée la mouche prise dans ses filets… Que j’aille écrire cela, par malheur, et tout le monde me lapide ! Et Monseigneur Sibour m’excommunie ; et Monseigneur Pierre Leroux, clément de nature, me retire en morceaux des griffes de ses disciples bien-aimés et théomimes.

Et cependant, force de Dieu ou force du mouvement universel, ces deux expressions reviennent absolument à la même par rapport à nous. Quelque coup que chacun se monte à l’endroit des dispositions bonnes ou mauvaises de la Fatalité à son égard, il est certain que cette force universelle le domine comme notre pied domine la fourmi qui rampe. Or, toute force qui nous domine nous menace, et exige de notre instinct de défense que nous nous en débarrassions. De Dieu je ne veux savoir que ce que savait Damoclès de l’épée suspendue sur sa tête. Et cela me suffit pour combattre Dieu ; sur le reste je me déclare tout aussi ignorant qu’un ministre du Saint-Évangile ! — Mais, c’est de la Fatalité ? me crient les déistes…


VI.   Oui, je suis fataliste quand je me heurte aux tertres de mes aïeux. Et à quoi me servirait-il de ne pas convenir de ma fragilité ? Existerait-elle moins si je la niais ? Et vit-on jamais l’audace de l’esprit humain désarmer le bras osseux de la Mort ?

Je sais seulement que tous les êtres ont besoin de moi comme j’ai besoin de tous les êtres : et que, si je dépends de la Fatalité, elle aussi dépend de moi qui suis un de ces instruments. Dieu m’accable d’un immense poids ; mais