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BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE

XXVI

À Thomas Rediger, à Anvers.


S. P. — Si je pouvais te rendre plus de grâces pour ta magnifique libéralité, cher Rediger, je le ferais certainement ; mais cela est seulement ajourné, et, lorsque l’occasion se présentera, je ferai connaître combien grands sont mes remercîments et la gratitude de mon âme. J’ai trouvé dans mon mobilier deux très petites statues antiques (bien qu’assez grossières), une troisième imitée avec du plomb, qui paraît être un Plutus. Comme je n’ai rien autre sous la main, je les envoie à Ta Seigneurie, en y joignant une remarquable et rare médaille antique de l’Empereur Adrien, une seconde de Lysimaque et la troisième d’Alexandre, à ce qu’on croit, car l’une et l’autre paraissent imitées. Je prie Ta Seigneurie d’agréer cette marque de ma reconnaissance, quelle qu’elle puisse être.

Bien que je doive, pour beaucoup de raisons, garder le silence vis à vis de Ta Seigneurie, la nécessité me force à transgresser les limites de la modestie et à mettre bas toute honte contre l’inclination de ma nature. Mais c’est l’occasion.

Outre les calamités qui, dans ces troubles, ont ruiné ma famille, il est arrivé quelques mois auparavant que, par une affreuse disgrâce, mon père, vieillard presque octogénaire, avait été dépouillé de tous ses biens, pour avoir pris part à des réunions tenues librement par permission du Roi (comme il en était persuadé). Il m’avait transféré, peu après mon retour d’Espagne, la possession d’un certain fief (qui devait me revenir après sa mort), ce qui devait me permettre de m’entretenir assez honnêtement. Accablé de son malheur, je n’ai pu faire autrement que de restituer ce fief, dont je souffrais de percevoir les redevances, jugeant que je serais impie de faire le contraire. C’est pourquoi, comme maintenant il ne me reste plus rien pour m’aider à vivre, je dési-