Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la propriété territoriale. La loi des 10-20 août 1790 accuse cette préoccupation démocratique que notre culte pour la Révolution nous fait trouver toute naturelle. « On ne peut trop, dit-elle, recommander aux directoires de faciliter les petites acquisitions ; comme c’est une des vues principales de l’opération, c’est aussi vers son accomplissement que les moyens doivent surtout être dirigés. » La loi des 3-6 juillet 1891 résume sur ce point la politique de la Constituante. Elle s’excuse en quelque sorte de penser à l’avantage de l’État : « Constamment occupée du désir de multiplier le nombre des propriétaires, l’assemblée nationale n’a cessé de tendre par toutes ses dispositions à la plus grande division possible des domaines nationaux ; cette vua n’a été subordonnée qu’aux devoirs plus impérieux, plus sacrés encore, de l’extinction de la dette. » La Législative et la Convention ne s’embarrassèrent pas de ce souci : les deux milliards de la dette ne furent jamais payés et la vente des biens nationaux ressembla de plus en plus à une distribution gracieuse en faveur de ceux qui s’enrôlaient ainsi définitivement sous la bannière de la Révolution.

Avec du temps et un régime sévère d’économies, l’extinction de cette dette n’eût pas été au-dessus des ressources nationales. Mais on avait au xviiie siècle de singulières idées en matière d’impôts. Quand Necker voulut faire appel au crédit public par un emprunt à 5 0/0, on lui répondit par des déclamations contre les capitalistes. Rousseau avait dit que le mot de finances est un mot d’esclaves. Deux emprunts échouèrent. On recourut à une contribution patriotique. C’était un axiome que dans un État libre, le citoyen va de lui-même au-devant des appels du trésor public : Mercier avait, dans L’an 1440 (1770), représenté les riches venant « d’un air libre, aisé, content, » jeter leurs dons dans un grand coffre et les citoyens