Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/141

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seulement, avant le dépôt des rapports du comité ; tant cette théorie de l’assistance paraissait évidente a tous les administrateurs, en présence de la détresse générale ! Trente mille ouvriers avaient été employés à des travaux de terrassement à raison d’un franc par jour pendant plusieurs mois, au moment de la plus grande pénurie du trésor ; les enfants, les femmes et les vieillards avaient été admis au nombre de plusieurs milliers dans des ateliers de tissage. Puis il avait fallu se rendre à l’évidence, la plupart des prétendus ouvriers n’étaient réguliers que pour toucher la paye ; des troupes de vagabonds et d’étrangers accouraient à Paris pour profiter de l’aubaine, une redoutable armée insurrectionnelle se formait en réalité dans ces chantiers livrés à une scandaleuse indiscipline ; on avait été contraint de licencier cette foule de parasites au milieu de difficultés sans nombre. La première expérience tentée pour appliquer le droit au travail n’avait réussi qu’à achever la ruine publique et à hâter les plus graves explosions révolutionnaires.

« Les hommes sont reconnus égaux, et pourtant combien cette égalité de droit serait peu sentie, serait peu réelle au milieu de tant d’inégalités de fait, si l’instruction ne faisait sans cesse effort pour rétablir le niveau et pour affaiblir du moins les funestes disparates qu’elle ne peut détruire ! » Ainsi parlait Talleyrand dans son rapport sur l’Instruction publique à l’Assemblée constituante, où vous voyez que ce n’est pas d’une égalité de droit qu’il est question, mais d’une égalité de fait, d’une égalité réelle. Le projet qui en formait la conclusion établissait une vaste hiérarchie d’écoles, accordait la gratuité à tous les enfants des écoles du premier degré ; et décernait des bourses aux élèves les plus méritants du second et du troisième, de manière à assurer la sélection des talents au profit de la société tout entière. L’Institut national, sorte d’université centralisée,