Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/142

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couronnait ce système d’instruction publique, qui faisait pendant au système d’assistance. L’égalité n’y régnait qu’à la base, il n’admettait point d’illettrés et joignait l’obligation à la gratuité ; mais, d’étage en étage de la construction projetée, l’inégalité reprenait ses droits. Les assemblées ultérieures corrigeront ces dérogations timides au principe de l’égalité absolue.

En résumé, les doctrines de la Constituante, inspirées par les tendances dominantes de l’opinion éclairée, toute acquise elle-même à la philosophie politique et sociale du siècle, offrent, en dépit des résistances encore opposées à leur envahissement par les Physiocrates, un ensemble cohérent. Elles font de l’Etat le tributaire de l’individu pour la satisfaction normale de tous ses besoins y compris éventuellement les besoins physiques, et par cela même, comme ces besoins sont autant de droits, elles investissent l’Etat par un retour inévitable de pouvoirs sans bornes : comme le veut le Contrat social, quand le citoyen a exercé sa souveraineté en acceptant le pacte fondamental et en donnant son suffrage pour constituer l’assemblée souveraine, il devient tout à coup le plus humble des sujets ; s’il est riche, rien n’est plus à lui ; sa possession est un fait qui ne peut revêtir un caractère légal que par une investiture nouvelle et l’Etat, responsable de l’inégalité des conditions, dispose sans réserve de ses propriétés selon les exigences du bonheur public, entendez : selon la mesure à laquelle l’immense majorité des non-possédants veut bien fixer le minimum des satisfactions qu’elle estime nécessaires. Ces revendications sont encore modérées ; qu’elles se fassent plus pressantes et la doctrine devra y souscrire l’Etat s’y plier, les ci-devant, les aristocrates s’y soumettre. Ils sont livrés, « la bête est dans le piège, écrit Camille Desmoulins, qu’on l’assomme ! » Les châteaux brûlent, les pillages commencent ; l’Assemblée constituante, qui a tous