Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/215

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du principe : à chacun selon son mérite. « Tout le monde ne peut pas être magistrat, et tel qui est parvenu à le devenir a eu moins de peine peut-être que tel malheureux ouvrier, envers qui la Nation fut ingrate, n’en eut à apprendre le métier le plus simple. Est-ce la faute de ce dernier, s’il n’a point reçu en naissant des dispositions plus heureuses ? Doit-il pour cela jouir de moins d’avantages que si le sort avait permis qu’il fût capable de gouverner en chef toute la République ? » Donc, à lui comme aux autres, autant de jouissances et surtout autant de considération. Ce problème de la répartition exacte des avantages au prorata des mérites, Babeuf aurait voulu le voir mettre au concours par l’Académie d’Arras : il envoie le texte du sujet rédigé à Dubois de Fosseux, en mars 1787. Le voici : « Avec la somme générale de connaissances maintenant acquise, quel serait l’état d’un peuple dont les institutions seraient telles qu’il régnerait indistinctement entre chacun de ses membres individuels la plus parfaite égalité, que le sol qu’il habiterait ne fût à personne, mais qu’il appartînt à tous ; qu’enfin tout fût commun, jusqu’aux produits de tous les genres d’industrie. De semblables institutions seraient — elles autorisées par la loi naturelle ? Serait-il possible que cette société subsistât, et même que les moyens de suivre une répartition absolument égale fussent praticables ? » Babeuf ne se dissimule pas qu’il faudrait commencer par un branle-bas général. « Il faudrait probablement pour cela que les rois déposassent leurs couronnes et toutes les personnes titrées et qualifiées leurs dignités, leurs emplois et leurs charges. Qu’à cela ne tienne ! Il faut pour opérer une grande révolution exécuter de grands changements. » Et le sage Dubois de Fosseux enregistre la question proposée avec une parfaite sérénité. « La troisième (question) est bien importante, mérite beaucoup de réflexions et serait, je crois, suscep-