Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/227

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Coupé et d’être pour lui ce qu’étaient pour Mirabeau ses « douze faiseurs, » c’est-à-dire de rédiger ses discours et de tenir sa correspondance. Si Coupé accepte sa proposition, Babeuf sera aussi heureux que Platon disciple de Socrate et que Socrate disciple d’Archelaüs ! Toute cette lettre est d’une obséquiosité arrogante ; on ne doute pas en la lisant que le député qui aurait accepté un tel secrétaire ne se fût donné un maître. Mon frère ! Frère citoyen ! dit à chaque ligne Babeuf ; mais il ne laisse pas ignorer à son frère que les modérés comme Barnave et Thouret sont des traîtres, « dignes de ressentir un jour les coups de la justice nationale. »

Cette fièvre de propagande, cette audace dans la résistance aux lois encore existantes de l’ancien régime, la notoriété qu’il obtint comme rédacteur du Correspondant Picard, l’assurance doctorale avec laquelle il maniait déjà la langue politique du temps, sa science des « principes » enfin, étaient bien faites pour désigner Babeuf au choix des électeurs, quand se formèrent en septembre 1792 les assemblées administratives des départements et des districts. Il fut élu à quelques jours d’intervalle administrateur-archiviste du département de la Somme, puis administrateur du district de Montdidier. On peut croire que son succès irrita profondément le parti constituant et que les modérés encore puissants guettaient dès lors l’occasion de le perdre. C’était entre les deux partis un duel à mort. Babeuf se découvrait comme s’il n’avait plus à compter avec ses adversaires. Déjà, en avril 1790, la Cour des aides avait lancé contre lui un décret de prise de corps et il était resté deux mois sous les verrous à la Conciergerie (lre incarcération)[1]. Bientôt la violence du Cor-

  1. Nous voyons dans une lettre manuscrite de Babeuf du 18 janvier 1791, que M. E. Charavay a bien voulu nous commu-