Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/24

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déjà engagée n’est pas prise sans retour dans le mécanisme des voies d’exécution et selon la mesure où l’issue de nos entreprises reste imprévisible, nous avons la conscience de faire ce que nous voulons, de donner l’être l’objet, de nos préférences, de posséder en notre foi une puissance créatrice. Nous nous croyons libres et nous le sommes en effet, subjectivement, puisque sans l’énergie de notre vouloir, sans l’ardeur de nos amours, sans la hardiesse et la persévérance de nos convictions, des réalités qui vont surgir resteraient dans le néant. Nous savons que si elle se disperse et se dément, si elle s’isole, notre personnalité sera emportée comme un souffle, que si elle se ramasse et se fixe, si elle prête à ses compagnes un concours fidèle, elle laissera sa trace et contribuera à faire l’univers de demain. Mais même en présence de l’inévitable, et en supposant qu’il n’y ait pas place à présent dans le cours de l’évolution pour l’œuvre que nous voulons y introduire, nous ne sommes pas dispensés d’affirmer hautement nos fins supérieures. D’abord il y a dans le monde des consciences des répercussions lointaines inattendues. Et nous ignorons si notre exemple n’est pas destiné à servir un jour notre cause, actuellement désespérée. Mais de’plus, le possible apparent ne circonscrit pas le domaine., du désirable. Pour le choix des fins dominantes, avant toutes supputation des chances de succès, notre indertitude se trouve prévenue par l’intervention de règles, qui font de l’usage de notre liberté un devoir. Nous n’avons pas à nous demander si tel acte sera bon ou mauvais en fin de compte, dans toute la série de ses conséquences possibles, problème que la loi de multiplication des effets rend insoluble. Dans le milieu social où nous puisons comme personne morale nos conditions d’existence, selon l’opinion qui juge souverainement de la dignité ou de l’indignité des actes, cela se fait ou cela