Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/23

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objective, impersonnelle, universelle, et reproduit comme en un miroir indifférent, l’ordre des choses accomplies. Toute doctrine de l’action au contraire s’empare de l’avenir pour le bien d’un être donné individuel et collectif, elle ne prévoit pas seulement cet avenir, elle le crée conformément à un idéal que les besoins de la vie sociale lui suggèrent. « Ah ! demain, c’est la grande chose ! » dit le poète. Et il demande : « De quoi demain sera-t-il fait ? » Voici notre réponse : Il sera fait de ce que nous voulons.

Ce que nous disons en termes de vouloir, on peut l’exprimer en termes de désir et d’émotion. Nous ne voulons que ce que nous préférons, et nous préférons ce que nous aimons le plus. L’intensité du vouloir est en raison de la force du désir, et celle-ci en raison de la profondeur des émotions correspondantes, pourvu que les centres d’arrêt soient assez forts pour en dominer le tumulte. Si on nous demande ce qui sera demain, nous pourrons donc encore répondre : Ce que nous aimons le plus.

Enfin, comme la volonté réagit sur l’intelligence et que, s’il est insensé et même parfois coupable de désirer l’impossible, les limites du possible reculent étrangement sous la poussée du désir même, comme tous les ouvreurs de voies, tous les renverseurs d’obstacles, ont dû commencer par proclamer, au scandale des tièdes, l’accessibilité du but, nous exprimerons la même vérité en disant que le point de départ de toute délibération se trouve dans des croyances par lesquelles la réalité actuelle et future de ce que nous aimons est affirmée, que tout déploiement de l’action suppose une foi, qu’en un mot, l’avenir sera fait des choses auxquelles nous croyons le plus fermement.

Ainsi, il me plaît de le redire, tant que notre action