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Peuple, le vrai Peuple, le seul Peuple, digne de jouir des biens de ce monde. La justice du peuple est grande et majestueuse comme lui. Tout ce qu’il fait est légitime, tout ce qu’il ordonne est sacré. »

Nous n’avons pas voulu interrompre ce crescendo de doctrines subversives pour qu’on vît nettement le retour de Babeuf aux procédés homicides qu’il avait condamnés chez les Terroristes. Dès l’hiver de 1794-1795, les réserves qu’il avait mises à son approbation de Robespierre sont écartées ; il reprend formellement la tradition de ses vrais modèles. Mais nous avons un peu anticipé sur les événements. Après la publication du numéro 32, c’est-à-dire le 10 pluviôse an III (29 janvier 1795), Babeuf avait été dénoncé par Tallien à la Convention pour avoir outragé la représentation nationale, et le 19 pluviôse (7 février)[1] il avait été incarcéré aux Orties, puis transféré avec Lebois à la Force[2], d’où il avait réussi à lancer dans le public

  1. Et non le 24, comme le dit M. Advielle. Le procès-verbal relatant les détails de l’arrestation est aux archives. Deux lettres de Babeuf, l’une au Comité de sûreté générale, l’autre à Bentabole, écrites les jours suivants, se trouvent dans la même liasse. Elles confirment la date ci-dessus et donnent de curieux détails sur la sensation que produisit parmi les nombreux prisonniers de la rue des Orties l’entrée de Babeuf au milieu de la nuit. Babeuf fut très flatté de cet accueil. Fouché, de Nantes, était intervenu à la Convention pour défendre son ami et coreligionnaire socialiste et son discours avait été suivi d’une bruyante approbation des tribunes. D’après Babeuf, la Convention serait restée silencieuse, comme atterrée. (Archives nationale, F 7, 4278.)
    Le mandat d’arrêt du Comité de sûreté générale est du 17 pluviôse. Il vise « Babeuf, se disant Gracchus, » comme « provoquant à la rébellion, au meurtre et à la dissolution de la Représentation nationale. » r
  2. Suivant Buonarroti, t. I, p. 71, à la maison d’arrêt du Plessis. Mais nous avons vu l’ordre de transfert dans la collection Charavay : il est du 15 nivôse an III. Babeuf ne put donc s’entretenir avec les prisonniers du Plessis qu’à son retour, ce qui établit qu’il conçut spontanément de son côté l’idée de la conjuration ; de plus, le plan d’une concentration des efforts lui appartient. — Comptons toujours, pour éviter les confusions où, les biographes sont tombés : cette incarcération est la sixième.