Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs sentiments avec ceux des prisonniers[1]. » Et toute cette poésie se tournait en projets d’action pour le jour qu’ils sentaient prochain, de leur délivrance. « Des hommes de cette trempe, brûlants de patriotisme, enflammés par la persécution et affermis dans leurs sentiments communs par une longue et fréquente communication, durent se trouver naturellement disposés à tout entreprendre pour relever la Révolution et atteindre enfin le but constant de leurs vœux. Aussi les prisons de cette époque furent-elles les berceaux des conspirations démocratiques qui éclatèrent dans le cours de la troisième et de la quatrième année de la République. » Buonarroti assure que déjà le mouvement de prairial était sorti de là et il nomme parmi ses inspirateurs Claude Fiquet, qui prit part aussi à la conspiration de Babeuf.

Celui-ci, qui séjourna au Plessis à son retour d’Arras, s’y trouva donc naturellement en communauté de sentiments et de doctrine avec les insurgés de germinal et de prairial. Une longue lettre qu’il écrivit à Fouché le 19 germinal an III[2], ne laisse aucun doute sur son étroite solidarité avec les amis encore nombreux de la vertu ou de l’Egalité, issus des mêmes antécédents historiques que lui. Après Vendémiaire et la mise en vigueur de la Constitution nouvelle, une scission se déclara dans le parti républicain, qui fit ressortir le caractère de ce nouveau groupe. Aux patriotes de 1789 « qui pensaient ou feignaient de penser, dit Buonarroti, qu’il fallait attendre du temps la réforme de la Constitution de l’an III et la préparer en s’introduisant dans les fonctions publiques, » s’opposèrent les Egaux, qui depuis plusieurs mois se donnaient ce nom en province comme à Paris (Egaux de 1792

  1. Buonarroti, Conspiration pour l’Egalité, dite de Babeuf, Bruxelles, 1828, t. 1, p. 55.
  2. Donnée par Advielle, t. I, p. 128.