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qui contient tout un programme socialiste, avec cette réserve platonique : « ils voulaient bien mettre le peuple en possession des logements et des biens promis par l’acte d’insurrection, mais ils entendaient céder politiquement par là à un mouvement de générosité et nullement exécuter un ordre, ni reconnaître un droit. » Ils consentirent enfin à l’exécution du décret qu’on devait demander au peuple de Paris en insurrection. Or ce décret déclarait : que la propriété de tous les biens de la France réside essentiellement dans le peuple français qui peut seul en déterminer et en changer la répartition. Buonarroti a raison de dire que les Montagnards et les Babouvistes n’étaient séparés que par des nuances quant aux doctrines, bien que les personnes fussent rivales[1].

La fusion des deux conspirations jusqu’alors parallèles, s’opéra seulement le 18 floréal an IV (7 mai 1796) à la veille des événements décisifs. Comme la direction ne cessait pas d’appartenir au comité secret, c’est-à-dire à Babeuf, l’accession des Montagnards promettait d’apporter aux conjurés une force morale imposante, sans compromettre pour le moment l’unité d’action. Ce succès couronnait une œuvre diplomatique qui avait commencé par la neutralisation d’un membre du Directoire. Il s’agit de Barras[2] Lui-même du reste alla au-devant des négociations. Il demanda à voir Germain, et celui-ci, avec l’autorisation du comité insurrecteur, se rendit le soir du 30 germinal au Luxembourg, dans une voiture du Directoire hermé-

  1. Buonarroti, t. II, p. 20.
  2. Sur la complicité de Barras nous avons les témoignages concordants de Germain, lettre à Babeuf, citée par M. Robiquet, Revue de la Révolution du 14 avril 1895, p. 299, du Courrier républicain, mentionné par le même auteur, d’un des agents secrets du ministre de la police dont M. Robiquet cite le raport, et de Buonarroti, t. I, p. 191. Buonarroti s’étonne avec raison que le 20 floréal il n’ait pas prévenu les conjurés de la dénonciation parvenue à Carnot le 15 du même mois. — Voir encore l’article