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tous les accusés : leur nombre se compléta peu à peu par des arrestations qui eurent lieu à Cherbourg, à Arras, à Rochefort, à Bourg et à Saintes. L’instruction se poursuivit par les soins de Gérard, président du jury, et de Gandon, président du tribunal. Pendant le voyage, les principaux accusés avaient décidé de tout avouer : mais quand ils purent communiquer avec les autres moins compromis, ceux-ci réclamèrent vivement et leur imposèrent une tactique moins périlleuse. C’est à ce moment sans doute que leurs dissentiments éclatèrent, bientôt divulguas par le Rédacteur officiel, puis par les journaux qui, en grande majorité, leur étaient défavorables. Les conjurés purent alors rédiger en commun et signer unanimement une protestation énergique qui parut dans la presse du parti. Babeuf joignit à la protestation collective une lettre où il parlait en son nom il y démentait qu’il fût le chef de la conspiration : « Je ne suis pas plus le chef d’un parti dans la prison de Vendôme, disait-il, que, malgré toutes les fables débitées, je ne le fus ailleurs. Je n’ai jamais été que l’égal de tous mes frères, dans le parti des ardents disciples de la chérissable Démocratie. Ce parti n’a point de chef. Tous concourent avec un même zèle au triomphe de la sainte Egalité, tous font profession des plus sublimes vertus ; oubli de soi, amour de tous, désintéressement, courage, mépris de la mort, haine profonde contre tous les oppresseurs et leurs suppôts, mille fois plus méprisables. » Puis il accusait le ministre de la police de conspirer lui-même en faveur des Bourbons et le traitait de lâche, astucieux sycophante, de moderne Iscariote, de bourreau des républicains[1]. Par cette protestation séparée, Babeuf se désignait comme le chef des conjurés l’orgueil et la prudence se concilient mal. Peut-

  1. Advielle donne ces documents en entier, volume I, page 243.