tions était passé. Il cherchait maintenant à tirer parti de ces tergiversations pour son salut ; il se donnait comme un ami méconnu du Directoire ! L’expédient manquait de noblesse chez un homme qui s’appelait Gracchus et se comparait tantôt à Socrate, tantôt au Christ.
Il faut croire malgré tout que cette palinodie – jointe surtout à ce fait que la conjuration en définitive n’avait point éclaté, qu’elle n’avait entraîné aucune mort d’homme – avait fait quelque impression sur l’esprit des jurés. Car quand ils furent dans la salle des délibérations, il ne s’en trouva pas un qui refusât aux accusés, pas plus à Babeuf et à Darthé qu’à Buonarroti et à Germain, les circonstances atténuantes. La peine dès lors ne pouvait aller au delà de la déportation. Voilà du moins ce qui ressort d’un premier procès-verbal visé par le jugement.
Il se passa alors un fait unique dans les annales judiciaires. La Cour suspendit la rédaction du procès-verbal. Elle obtint que le président du jury, le citoyen Coffinhal, se déclarât indisposé. Un nouveau président, l’un des juges de la Haute cour, Pajon, lui fut subrogé et, en présence de l’accusateur national Vieillart, le jury, revenant sur ses votes précédents, refusa les circonstances atténuantes à Darthé et à Babeuf. Un nouveau procès-verbal fut dressé constatant ce refus, et la Cour, visant dans son jugement ce nouveau procès-verbal après le premier[1], condamna à mort ces deux hommes. Six autres accusés, Vadier, Buonarroti, Germain, Cazin, Moroy et Blondeau furent condamnés à la déportation les autres, acquittés.
Babeuf lui-même s’attendait à ce verdict ; il avait la veille écrit à sa femme et à ses enfants, puis à Le Peletier deux lettres d’adieux. Nous ne nous y arrêterons pas ; elles sont moins naturelles que celle à Le Peletier, du 26 mes-
- ↑ Voir Débats du Procès, pages 118 et 123 du t. IV.