sidor, que nous avons analysée : ce sont des « morceaux » que le malheureux, étreint par la pensée de sa mort prochaine, s’efforce d’écrire pour la postérité. Ce souci les rend moins touchantes, Il témoigne aux siens une affection qui était dans son cœur, mais il leur dit « Mes amis, j’espère que vous vous souviendrez de moi et que vous en parlerez souvent. J’espère que vous croirez que je vous ai tous beaucoup aimés. Je ne concevais pas d’autre manière de vous rendre heureux que par le bonheur commun. J’ai échoué, je me suis sacrifié ; c’est aussi pour vous que je meurs. » Que n’avait-il travaillé modestement pour leur donner du pain, au lieu de les laisser dans la misère pendant des années pour se livrer à une agitation politique incohérente et courir après la succession de Robespierre ? Il se décerne en finissant un brevet de vertu qu’il nous est difficile de ratifier, quand nous pensons à ce que son succès aurait coûté de larmes et de sang. « Tu sauras, ma chère amie, que ma Défense est précieuse, qu’elle sera toujours chère aux cœurs vertueux et aux amis de leur pays. Le seul bien qui te restera de moi, ce sera ma réputation. Et je suis sûr que toi et tes enfants, vous vous consolerez beaucoup en en jouissant. Vous aimerez à entendre tous les cœurs sensibles et droits dire en parlant de votre époux, de votre père : Il fut parfaitement vertueux. — Adieu. Je ne tiens plus à la terre que par un fil que le jour de demain rompra. Cela est sûr, je le vois trop. Il faut en faire le sacrifice. Les méchants sont les plus forts ; je leur cède. Il est au moins doux de mourir avec une conscience aussi pure que la mienne ; tout ce qu’il y a de cruel, de déchirantnt, c’est de m’arracher de vos bras, ô mes tendres amis, ô tout ce que j’ai de plus cher !!! Je m’en arrache ; la violence est faite. Adieu, adieu, adieu, dix millions de fois adieu… Je m’enveloppe dans le sein d’un sommeil vertueux. »
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