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encore Babeuf et Darthé voulurent ressembler aux martyrs de Thermidor et de Prairial. Ils se frappèrent quand ils entendirent leur condamnation mais la lame était faible et ils vécurent assez pour être conduits au supplice (6 et 7 prairial an V 26 et 27 mai 1797). Sur le désir de son mari, la malheureuse femme de Babeuf dut y assister avec ses enfants.

Bien qu’acquitté, Vadier qui avait défendu au cours du procès la politique de Robespierre, fut contre tout droit gardé pour la déportation en vertu d’un décret de la Convention qui, dit Buonarroti, avait été rapporté. Avec Vadier, les cinq autres déportés présents, Buonarroti, Germain, Cazin, Moroy et Blondeau furent enchaînés et enfermés dans des cages grillées, puis conduits à l’île Pelée, dans la rade de Cherbourg. La France était divisée en deux partis de force à peu près égale mais inégalement distribués selon les localités ; à Falaise, à Caen, à Valogne, les prisonniers coururent les plus grands dangers ; au Mellereau, à Argentan et à Saint-Lô, ils furent accueillis avec égards. À Saint-Lô, « le maire à la tête du corps municipal les complimenta et les embrassa en les appelant : nos frères malheureux. Vous avez défendu, ditil, les droits du peuple, tout bon citoyen vous doit amour et reconnaissaisance. Par arrêté du Conseil général ils furent logés dans la salle de ses séances où les secours et les consolations leur furent prodigués[1]. » Vadier fut mis en liberté le 1er vendémiaire an VIII, et Buonarroti transporté peu de temps après par le premier Consul à l’île d’Oléron, puis élargi.

Cette attitude des municipalités normandes envers les condamnés de Vendôme est un symptôme significatif de l’état de l’opinion au printemps de 1797. Elle nous montre

  1. Buonarroti, t. II, p., 63.