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3° LE SOCIALISME ET LA RENAISSANCE


Une partie considérable des chrétiens resta en dehors de la communauté ecclésiastique proprement dite, sans cesser d’être soumise à sa direction morale. Ces chrétiens vivaient dans le siècle ; ils n’avaient pas fait vœu de pauvreté ; quel fut le régime auquel le pouvoir ecclésiastique les soumit ou plutôt qu’il leur permit ? On peut dire qu’en gros ce fut le droit romain ; le droit romain diversement modifié, mais toujours respecté dans sa prescription fondamentale touchant le caractère inviolable de la propriété individuelle. En dehors du droit ecclésiastique, des coutumes barbares réussirent à établir, à la faveur de la désorganisation générale et dans des conditions particulières comme le voisinage des montagnes ou des marais, la communauté de certaines terres : Laveleye a montré que ces coutumes ont laissé leurs traces dans diverses parties de l’Europe. De plus, le droit de propriété fut longtemps entravé par l’arbitraire des princes et les préjugés économiques. Mais un mouvement continu, soutenu par les légistes, ramena de plus en plus l’évolution de la propriété vers la direction qu’elle avait suivie dans le monde ancien. Il faut reconnaître que malgré des retours quelquefois violents aux doctrines des premiers siècles, la théologie chrétienne elle-même favorisa de plus en plus (qu’on nous permette ce mot) l’individualisation de la propriété, par la sévérité de sa morale, par son alliance définitive au xive siècle avec le droit romain, enfin par son dogme de la spiritualité. En faisant de l’âme humaine, de l’Intellect simple et irréductible, le sujet du devoir, en enseignant que la conscience du chrétien est un monde fermé en relation seulement avec Dieu, en revendiquant