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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/14

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Mais, hélas ! comme ta pureté virginale se dissipa ! L’air emporta ton charme comme le bonheur idéal que t’avait promis l’amour.

Les feuilles tombées de l’arbre sont les jouets du vent : les illusions perdues sont des feuilles détachées de l’arbre du cœur !

Le cœur sans amour, triste solitude recouverte de la lave de la douleur, désert obscur et immense où ne naît pas une fleur !

Au loin, un bois sombre, le soleil qui tombe dans la mer, sur la plage un douar, et à l’horizon un navire qui navigue vent en poupe,

voilà ce qu’un verre trompeur nous fait voir dans une illusion fantastique, montrant à l’œil enchanté d’agréables visions que la riche imagination embellit.

Ô femme, tu es un fanal transparent de beauté : malheur à toi, si l’homme brise, en sa folie, ton cristal mystérieux.

Mais, hélas ! bienheureuse es-tu, Elvire, en ton malheur même, car ta folie mystérieuse te procure des délices alors que ton cœur soupire :

la raison est un tourment et mieux vaut délirer qu’analyser froidement le sentiment en y fixant sa pensée.


Voyez-la : voici qu’en sa folie elle rêve qu’il est présent, le bien qui a fui pour toujours : elle murmure avec amour de douces paroles et croit entendre le perfide qu’elle aima.

Prosternée, elle implore sa pitié comme si elle le tenait là : bientôt elle se voit seule et pleure, puis tout à coup, prise de délire, sourit :