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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/17

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plaît encore dans l’illusion chérie que j’ai, hélas ! perdue pour toujours. Tout a fui, tout a disparu avec toi ! Douces heures d’amour, je les bénis !

« Oui, je les bénis, ces heures fortunées, toujours présentes à ma mémoire, images enchanteresses d’amour, qui viennent encore me caresser dans mon agonie. Mais, hélas ! envolez-vous, fuyez à tout jamais, ombres trompeuses ; mon dernier jour est arrivé : pardon, pardon, mon Dieu, si je trouve encore du plaisir à me rappeler mes égarements.

« Et toi, don Félix, si tu t’irrites de me voir te rappeler ma misère, songe que mes yeux sont las de pleurer en silence des larmes d’amertume, et aujourd’hui que la tombe va dévorer ma dépouille, accorde cette consolation à ma tristesse : regarde ces lignes avec pitié et oublie ensuite Elvire à jamais.

« Et que jamais ma mémoire malheureuse ne trouble tes plaisirs par des souvenirs amers : que la vie te donne des jouissances, la gloire des triomphes, le monde du bonheur, l’amour d’autres femmes, et si parfois tu rappelles douloureusement à ton esprit ma lamentable histoire, pleure-moi, mais que ton cœur palpite exempt du remords rongeur.

« Adieu pour toujours, adieu : je ne sens plus que quelques instants de vie et le feu de mon amour brûle encore dans ma poitrine ; ma vue incertaine vague en se troublant… Ô mort ! viens calmer mon inquiétude !… Seule !… expirante !… Aime-moi : non, pardonne : inutile prière ! Adieu, adieu, j’ai perdu ton cœur ! — Pour moi, il n’y a plus rien au monde ! »

Elle écrivit ainsi ses tristes adieux, quelques moments