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Des yeux d’un inconnu si quelque larme tombe
En recueillant ces vers que je livre au zéphyr,
Si pour moi l’oiseau chante et gémit la colombe,
Oh ! ne m’enviez pas le repos de la tombe,
Amis, et laissez-moi mourir.

Pourtant, sous ces bosquets, la brise est si plaintive ;
L’air est si parfumé de la vapeur des bois ;
Un concert si divin à mon oreille arrive ;
Que je voudrais bien voir le soleil, sur la rive,
Se coucher encore une fois !

Et qui sait si mes fleurs sont toutes surannées ;
De mes chants inspirés si la source a tari,
Si je ne verrai pas, ô mes jeunes années,
Reverdir sur mon front vos guirlandes fanées ;
Si je suis un arbre flétri ?

C’est ainsi que l’on boit au calice perfide
Que verse l’espérance en descendant du ciel ;
L’homme maudit la vie ; et quand la coupe est vide,
Il voudrait bien encor, près de sa lèvre avide,
Sentir une goutte de fiel !

Avril 1833.