J’ai passé comme un fleuve aux ondes ignorées ;
Jamais les gondoliers n’ont erré sur le bord ;
Ni les vierges, pieds nus, aux lèvres adorées,
N’ont plongé dans les flots de mes rives dorées
Leur sein qui rougit tout d’abord.
J’ai poursuivi long-temps, comme un enfant avide,
Un Sylphe aux ailes d’or, un léger papillon ;
La muse m’avait dit : Prends garde, il est perfide ;
Mais en effet il n’a laissé dans ma main vide
Qu’une poudre de vermillon.
La gloire m’a trahi ; tout me fut infidèle ;
Je n’ai que la nature en qui j’espère enfin ;
Tout le reste ici-bas me fuit à tire d’aile ;
Et qui s’affligera sur la terre cruelle,
Si je n’ai pas de lendemain !
Cyprès, de vos rameaux couronnez mon front pâle ;
Soleil, pour m’éclairer, rallume ton flambeau ;
Ô terre ! pare-moi de ta fleur virginale.
Je veux faire avec vous l’alliance fatale
De la nature et du tombeau !