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Des régimens marchaient en ordre de bataille
Et portaient dans leurs flâncs la guerre et la mitraille ;
Même l’on aurait dit qu’escaladant le ciel,
Ils allaient de nouveau pour lui ravir la foudre,
Et que les monts en poudre
Crouleraient sous leurs coups ou ceux de l’Éternel.

Tête de ce grand corps, Bonaparte, en silence,
Planait comme un vautour sur l’horizon immense ;
De l’Europe à ses pieds il se croyait le roi,
Et disait plein d’orgueil : Ces rochers sont mon trône,
Le ciel est ma couronne,
Le monde un marchepied que je foule sous moi !

Pour mieux jouir en paix de sa fierté profonde,
Il voulut bivouaquer sur la tête du monde ;
Et baissant son front pâle et croisant ses deux bras,
Il se mit à rêver qu’au sommet de la Corse,
Aigle essayant sa force,
Il avait mesuré l’univers en trois pas !

Mais relevant les yeux, il vit dans un nuage
Devant lui se dresser une funèbre image ;
Son teint était noirci du soleil africain,
Ses longs cheveux flottaient sous son casque barbare,
Et la fortune avare
Ne laissait au guerrier qu’une bague à la main.