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Page:Esquiros - Les Hirondelles, 1834.djvu/93

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« Salut, noble soldat, dit le pâle fantôme,
» Du monde comme toi j’allais faire un royaume ;
» Attaquant un colosse avec des bras d’airain,
» J’ébranlai fortement les entrailles de Rome ;
» Et j’étais le seul homme
» Qui regardât de front le peuple souverain.

» Ces monts couverts de neige, aux flancs dépouillés d’herbe
» Ont, sous mes pieds vainqueurs, courbé leur front superbe
» Les rochers devant moi dissolvaient leurs glaçons ;
» Le ciel, entre mes mains, avait mis son tonnerre,
» Mes pas troublaient la terre ;
» Mon regard gouvernait et changeait les saisons.

» D’un peuple de marchands j’avais fait une armée ;
» Le monde était étroit pour notre renommée ;
» Rome vit sous ses murs flotter nos étendards ;
» Mais, arrêté tout court par la haine publique,
» Comme un lion d’Afrique,
» Sur ma proie, en lâchant, j’ai tourné mes regards.

» Insupportable aux grands par ma grandeur passée
» Ma main les a vengés de leur gloire effacée.
» O toi, qui vas tenter le destin des combats,
» Si tu te crois un Dieu pour vaincre dans la lutte,
» Souviens-toi de ma chute ;
» Monté plus haut, un jour tu dois tomber plus bas I »