N’est-il pas, du reste, humiliant de voir un génie comme Buffon, n’acquérir le droit de penser qu’au prix des soumissions les plus basses ? La Genèse de Moïse est un admirable livre sans doute ; mais faut-il, pour complaire à d’aveugles préjugés religieux et à des intolérances barbares, effacer cet autre livre que la nature a écrit en caractères reconnaissables sur l’écorce du globe ? Faut-il surtout fermer le livre de la raison humaine, dans lequel le doigt de Dieu trace à sa manière, de siècle en siècle, les preuves d’une révélation croissante ? Buffon est un des prophètes de la nature : il semble avoir assisté à la droite des conseils du Très-Haut, durant cette longue nuit des âges, où le fiat lux de la puissance divine appelait la création à être.
Après la révélation du génie, la révélation des faits. Depuis Buffon, l’écorce du globe a été visitée ; des populations d’êtres éteints ont été rendues à la lumière ; le voile qui couvrait la face de l’abîme s’est, en plus d’un endroit, déchiré. Ces exhumations récentes qui, depuis un demi-siècle, ramènent à la surface de la terre ses anciens habitans, ont permis de fonder une science nouvelle. Les imaginations se sont vivement émues au récit presque merveilleux de ces mondes primitifs sortant, après une longue et profonde nuit, de l’abîme où les avait précipités la main des événemens. On crut assister à une répétition de l’œuvre des six jours. Chacun s’étonna que les ténèbres de l’oubli et de l’indifférence eussent pesé si long-temps sur ces pages antiques où la terre avait pris le soin d’écrire elle-même ses mémoires. Peut-