Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/202

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rait et comme elle semblait regretter le sable absent de sa douce patrie, dulcem reminiscitur Argos. Sa ration de viande fraîche ne la tentait guère ; la douleur de l’exil et de la prison lui enlevait jusqu’à l’appétit. Cette lionne s’était pourtant décidée à attaquer faiblement son morceau de chair, quand les rugissements d’un jaguar, son voisin, frappèrent ses oreilles ; elle se retira effrayée dans le fond de sa cage. La malheureuse se croyait encore dans le desert, et s’attendait à la rencontre d’un adversaire supérieur en forces. Au reste, les combats de lion et de tigres, qui tiennent une si grande place dans les ouvrages des poètes, n’existent guère dans la nature. Ces deux genres d’animaux, étant cantonnés dans deux parties de la terre très séparées, ne pourraient se trouver en présence que sur l’extrême limite de leur mutuel empire. Il est donc très incertain qu’ils se soient jamais rencontrés.

Le jaguar a dans ses mouvemens la souplesse du chat ; il entre comme une ombre et se jette sur son repas avec une agilité avide qui tient plutôt à la gourmandise qu’à la faim. Sa langue lèche le sang. L’animal féroce est tout entier à l’acte de la nourriture ; ses griffes pèsent sur sa proie, ses yeux la dévorent, ses dents la déchirent. Apercevez-vous dans leurs loges ces sauvages panthères noires ? Farouches et comme effrayées de la lumière, elles se reculent dans un coin sombre pour décharner les os qu’elles tournent et retournent furieusement. Leur robe confond avec la nuit. On voit seulement luire leurs prunelles ardentes de joie à la vue des suites du carnage. Ces