Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion et la société. Les animaux sont nos convives au grand festin de la nature : place, place pour tous !

La lutte avec les animaux a été nécessaire ; elle ne l’est plus. Le but de la domesticité nest pas d’entretenir à la surface du globe une conquête violente qui ressemble toujours aux suites d’une guerre ; c’est d’y établir la paix. La présence de l’homme doit communiquer des sentimens plus doux aux animaux eux-mêmes et humaniser en quelque sorte toute la nature. Nous en avons déjà des exemples sous nos yeux dans l’association produite par notre commerce entre des espèces hostiles, qui, dans l’état sauvage, ne se rencontraient que pour se fuir ou pour s’attaquer. L’homme est le lien moral de toute la création ; c’est en lui et par lui que les mille rayons de la vie arriveront un jour à l’unité.

À mesure que l’intelligence s’élève le cœur s’élargit ; l’individu a d’abord limité ses affections à la famille, ensuite à la patrie, et enfin par un dernier effort, à l’humanité. Il’économie politique est destinée à étendre non-seulement la charité sur l’espèce humaine, mais encore sur les espèces inférieures. Le maître s’habituera avec le temps à ne plus voir seulement dans les animaux auxiliaires des instrumens, mais des ouvriers. Il y a de merveilleuses jouissances attachées à cette dilatation de nos sentimens. Voici bientôt deux mille ans qu’un poète comique fit réciter sur le théâtre de Rome ce vers fameux, devant lequel la conscience païenne tressaillit, et salua par des applaudissemens l’aurore du christianisme :

Homo sum : nihil humani a me alienum puto.