Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/309

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vaste que de faire le tour du monde. Gall ne s’effraya point de ce voyage. Il osa parcourir les hautes régions de l’esprit humain, lever le plan de ces pays inconnus de la pensée, où nul n’avait encore pénétré, fixer les degrés de latitude du crâne en rapport avec les degrés de l’intelligence, poser les limites du monde moral et en décrire les circonférences ; marquer, en un mot, sur la tête de l’homme comme sur une carte les principales divisions géographiques de l’âme. Une telle tentative n’était pas d’un esprit médiocre, et que Gall ait réussi ou échoué, il n’en restera pas moins comme le représentant d’une grande pensée. L’audace de sa tentative l’alarmait lui-même par instans sous la forme du remords[1]. Préjugés de son temps, morale, religion, science, tout s’élevait contre lui, comme le fantôme du vieux monde devant les compagnons de Gama, pour lui dire : Arrête ! — Gall n’écouta rien ; il passa outre, et s’avança vers ces mers de l’inconnu, où les plus grands n’ont souvent fait, comme La Pérouse, qu’attacher leur nom à un naufrage.

La vie de Gall tout entière présente ce curieux spectacle d’un homme aux prises avec son idée et d’une idée aux prises avec son siècle. À mesure que Gall avançait dans sa découverte, les difficultés se multipliaient au-dedans et au-dehors. Tout lui devint obstacle. À ce choc perpétuel que rencontrait sa pensée en se heurtant contre les idées reçues, venaient

  1. « Combien de fois n’ai-je pas scruté ma conscience pour savoir si un penchant vicieux ne me guidait pas dans mes recherches ! (Gall, Phys. du Cerveau).