Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/377

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les reconnut conformes dans tous les traits qui avaient rapport à l’analogie de leur caractère. Je rencontrai moi-même, un jour, dans le bateau à vapeur qui remonte la Seine jusqu’à Corbeil, un homme dont la tête offrait une grande similitude avec celle d’un autre homme de ma connaissance qui joint à un grand amour de la bonne chère une suffisance excessive. Cet inconnu fixa à ce titre toute mon attention. Je fis le sacrifice du soleil qui miroitait dans l’eau avec des étincelles, et je suivis mon sujet dans l’intérieur du bateau, où il ne tarda guère à descendre. C’était une sorte de tabagie ambulante où l’on respirait une âpre odeur de vin et de cuisine. Notre homme se mit à table. Puis il commanda un déjeuner confortable qui dura toute la route. C’était plaisir de le voir. Ni les regards observateurs que je tenais arrêtés sur lui, ni le bruit des conversations entassées à fond de cale, ni les mouvemens du bateau ne purent le faire sortir un seul instant de son assiette. Il mangeait gravement et amplement. On voyait, du reste, qu’il y mettait de l’amour-propre. Quand le bateau eut touché terre, il s’essuya fièrement la bouche, demanda la carte d’une voix emphatique, et sortit fort content de lui-même, en jetant sur les autres voyageurs à jeun un regard d’arrogante pitié. C’était bien l’homme que j’avais deviné[1].

  1. Je ne connais pas de meilleure étude pour contrôler les idées de Gall et de Lavater que de rapprocher mentalement les têtes et les figures qui présentent entre elles des liens de famille. Me promenant au jardin du Luxembourg, je rencontrai plusieurs jours de suite, deux femmes, dont l’une était la mère, l’autre la fille, et qui me frappèrent par la disposition semblable de leur