Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/427

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avec le docteur Gall. Le fait suivant se passa dans le midi aux environs de Valence. On était alors en 1833. M. D…, homme de lettres du pays, était à dîner dans un petit village nommé les Granges. On lui annonça en entrant la présence d’un nouveau convive officier supérieur. C’était un homme décoré, d’assez fière mine et de bonnes manières. Il causait bien et paraissait avoir beaucoup voyagé, Pendant le repas la conversation fut amenée sur le terrain de Lavater et de Gall. M. D… était connu pour un de leurs plus fervens adeptes. L’étranger donna son avis : « Je ne crois pas, monsieur, à votre prétendue science. Il n’y a rien de trompeur comme les dehors. Tenez, moi qui vous parle, moi qui ai eu la vie la plus agitée qui se puisse voir, je vous porte le défi de dire qui je suis. » Le phrénologue se défendit de son mieux, et demanda à tenir secrète son opinion. L’étranger insista. Alors la science tentée et provoquée jeta sa sentence ; M. D…, poussé à bout, regarda l’homme entre les deux yeux et lui dit : « Monsieur, vous avez la plus malheureuse organisation que j’aie jamais vue ; vous avez été ou vous serez un assassin. » Là-dessus chacun de se récrier et de se lever de table avec tumulte. L’étranger sourit et fit bonne contenance. M. D… rejeta la faute de son jugement un peu cru, sur le système de Lavater et de Gall, dont il n’avait fait qu’appliquer les règles à la figure de l’étranger. — Trois jours après un homme était arrêté à Valence. Un vol commis dans un hôtel garni avait fait reconnaître dans l’étranger un ancien forçat nommé Robert Saint-Clair. Il y avait plusieurs années que la police avait perdu