Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/59

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citoyen, à son tour, se promit de faire lire au peuple tous les chefs-d’œuvre de notre langue et des langues étrangères. Il voulait humaniser la nation française par la science et les belles-lettres. Le même mot, en latin, veut dire livre et libre, liber. Lakanal pensait comme les anciens, que la liberté sans les lumières n’est qu’une bacchante effrénée. Au nom du comité dïnstruction publique, il proposa de venger Bayon de l’oubli de son siècle : « Bacon, s’écriait-il, pauvre, négligé dans sa patrie, légua en mourant son nom et ses écrits aux nations étrangères ; c’est à nous, aux hommes de la liberté, à recueillir la succession des martyrs de la philosophie. » Le citoyen de Genève, fuyant la France à la lueur des flambeaux et des bûchers qui dévoraient ses ouvrages, ne pouvait manquer d’émouvoir celui qui avait élevé dans son cœur un autel à toutes les gloires littéraires, et surtout aux gloires prescrites pour la liberté. Jean-Jacques Rousseau était l’homme de Lakanal. Il avait passé lui-même sur les lieux, témoins des infortunes de ce mélancolique philosophe : « J’ai visité, nous dit-il, dans un recueillement religieux, la vallée solitaire, où le grand homme vécut les dernières années, de sa vie ; j’ai demeuré plusieurs jours au milieu des agriculteurs paisibles, qu’il voyait souvent dans tout l’abandon de l’amitié ; il était bien triste, me disaient-ils, mais il était bien bon. J’ai cherché la vérité dans la bouche des hommes qui sont restés près de la nature. » Il est assez curieux de voir la Convention s’intéresser, au milieu des embarras d’une guerre étrangère, de ses sombres travaux, de ses luttes prodigieuses où elle se