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Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/79

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j’irai occuper mon dernier gîte, et après ? sub judice lis est. Locke n’est pas mon homme. Une réflexion que je crois personnelle m’a toujours profondément préoccupé. Un individu souillé de crimes, un homme éminent par ses vertus, meurent en même temps et sont inhumés à la même heure. Si la conduite de l’un est la condamnation de l’autre, le néant pour tous les deux me semble impossible ; le doute seul confondrait ma raison. Ob quam rem, totus tuus ero usque adobitum et ultra. » Il écrivait ceci le 12 janvier 1839 ; le dimanche 16 février 1845, il allait savoir, comme il disait lui-même, le grand peut-être.

La même douceur obstinée, la même présence d’esprit, la même énergie dans le silence, l’accompagnèrent jusqu’au tombeau. Il était resté invariablement attaché aux idées et aux souvenirs de sa jeunesse. Interrogé par un ecclésiastique qui était venu pour surveiller ses derniers momens, s’il n’éprouvait point de remords. « Je suis prêt, répondit-il, à recommencer toute ma vie. Quant à mes votes, je n’ai que quatre mots à dire, et je les emprunte au saint père : la conscience avant tout. » Après un moment de réflexion, il leva les yeux au ciel : « Je vais paraître, ajouta-t-il, devant Dieu, le cœur pur et les mains nettes. » Ce furent ses dernières paroles. Nul ne se douta en France, excepté ses amis, qu’une existence aussi pleine et aussi digne de mémoire venait de s’éteindre. Il mourut à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, à-peu-près ignoré de la génération présente. On ne vit guère à ses funérailles que MM. Lélut, Mignet, Carnot, David, Blanqui, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Amé-