Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/89

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moyens sur le futur théâtre de sa gloire. C’est à la confraternité de ces travaux qu’il faut rapporter la classification actuelle des mammifères et l’ordre qui règne encore au Jardin des Plantes dans le cabinet de zoologie. Un instant on eût pu espérer que l’association de ces deux esprits si éminens et si bien d’accord, l’un porté vers les différences, et l’autre vers les analogies, aurait donné à la science des travaux complets ; mais, chose triste à dire ! cette union si heureuse ne pouvait, ne devait pas durer. Ne cherchons ni dans des faiblesses de caractère, ni dans les rivalités de l’amour-propre, les germes d’une rupture qui éclate peu-à-peu ; mieux vaut n’y voir qu’une suite regrettable, mais nécessaire, des contrastes de la nature. Ces deux intelligences d’élite s’étaient touchées un instant sur des points élevés ; mais il en devait être de leur association comme de deux grands chemins qui se joignent pendant quelque temps et qui se séparent, comme de deux branches qui se rencontrent et qui se divisent, comme de deux ruisseaux qui, après avoir coulé l’un près de l’autre, se quittent pour jamais : l’un gagne la plaine, l’autre descend écumeux dans la vallée. C’est une loi affligeante que celle de ces désunions morales : mais qu’y faire ? Le plus blessé des deux amis met trop souvent alors sur le compte de l’ingratitude le résultat inévitable de la divergence de leurs facultés.

Nous raconterons pourtant une petite anecdote qui peint les mœurs patriarcales de ces anciens de la science. Daubenton, surnommé, à cause de son grand âge et de son éloquence naïve, le Nestor des natura-