Aller au contenu

Page:Essai sur la propriété foncière indigène au Sénégal.pdf/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 13 —

qu’il en soit ainsi, faut-il encore qu’il existe une propriété privée. Quand la propriété et la souveraineté se confondent, lorsque, comme dans le Cayor, au Dahomey et sur presque tous les points de l’Afrique où nous avons fondé des colonies, on ne trouve, suivant l’expression de notre ancien droit féodal : « Nulle terre sans seigneur », n’est-il pas logique de considérer que le Gouvernement français qui a pris la place des anciens chefs est propriétaire de toutes les terres, que nul ne peut en détenir une portion qu’avec son autorisation, et que celui-là qui ne justifie pas de sa propriété par un acte de concession est un usurpateur.

Cette théorie n’a rien d’arbitraire. Elle a été mise en pratique à toutes les époques et par tous les peuples colonisateurs.

Les Romains, dans les contrées où ils s’établissaient, se substituaient aux anciens souverains dans la propriété du sol, ne laissant que l’usufruit aux habitants qui devaient payer, en échange, une rente foncière. C’est ce qu’exprime Gaïus dans cette brève et compréhensible formule : « In eo solo dominium populi romani est vel Caesaris ; nos autem possessiones et usufructum habere videmur. »

Dans les Indes Néerlandaises, où le régime foncier, sous la domination indigène, était absolument semblable à ce qu’il est au Sénégal, les Hollandais ont considéré qu’étant les successeurs des anciens chefs, ils avaient la propriété des terres. En conséquence, ils ont affermé toutes les terres aux habitants moyennant le payement d’une rente égale au septième de la récolte ou du travail.

On a objecté contre l’opinion exprimée par M. Carrère sur le droit respectif des indigènes et de l’État, qu’elle méconnaissait les principes du Code civil. Mais l’honorable magistrat, qui avait prévu l’objection y a répondu par avance d’une façon péremptoire. Sans doute, dit-il, le Code civil reconnaît aux indigènes le droit d’acquérir la propriété suivant le mode prévu par la loi française, mais, l’acquisition de la propriété suppose