pour la voie publique et qui n’avaient pas encore été acquis par les habitants de Gorée »[1].
Ces précautions n’arrêtèrent pas les ventes qui ne firent, au contraire, que se multiplier.
Des mesures énergiques s’imposaient dans l’intérêt de l’État comme des particuliers. C’est ce que comprit le gouverneur Jauréguiberry qui, à la date du 28 février 1862, prenait un arrêté interdisant aux indigènes de vendre des terres dont ils étaient en possession, sous peine d’exclusion de la colonie.
Cet arrêté était précédé d’un rapport d’un de ces hommes qui ont mieux pénétré l’esprit des coutumes indigènes du Sénégal et qui a laissé dans cette colonie le souvenir d’un esprit distingué et d’un homme de bien, je veux parler de M. le Président Carrère.
Après avoir, par un rapide exposé de la coutume du Cayor, démontré que dans ce pays la terre appartient au souverain et que les habitants n’ont qu’un droit de jouissance précaire et révocable, M. Carrère posa ces deux principes, dont l’un est le corollaire de l’autre :
1° Le domaine colonial est devenu par le fait de l’annexion le véritable et le seul propriétaire des terrains situés en pays annexé ;
2° Les contrats translatifs de propriété immobilière dans lesquels stipule un indigène se qualifiant de propriétaire sont nuls et de nul effet.
Cette concession de droits respectifs de l’État et des indigènes en matière de propriété immobilière était assurément très juridique, fondée qu’elle était sur ce principe incontestable de droit international public, c’est que l’État annexant hérite des droits de souveraineté et de domanialité qui appartiennent au souverain du pays annexé. Sans doute, la propriété privée ne subit aucune modification du fait de l’annexion, mais pour
- ↑ Décision du Commandant supérieur de Gorée du 1er juin 1859. (Moniteur du Sénégal du 14 juin 1859).