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LECONTE DE LISLE

publics et privés, de massacres dans les prisons, d’hospices incendiés avec les malades qui y étaient couchés, de maisons en flammes croulant avec les familles qui les habitaient, de monuments publics contenant des choses inestimables à jamais perdues. Ce sont là des crimes tellement monstrueux qu’aucun châtiment, si ce n’est la mort, ne peut être infligé à ceux qui les ont commis.


Au surplus, qu’il n’eût rien renié de ses convictions d’autrefois, nous en avons la preuve par les brochures de propagande qu’il composa en cette même année 1871. Outre l’Histoire populaire du Christianisme, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, il publia une Histoire populaire de la Révolution française et un Catéchisme populaire républicain. La Révolution y était présentée comme « la revendication des droits de l’humanité outragée », comme « le combat terrible et légitime de la justice contre l’iniquité », et la République définie « la nation elle-même, vivante et active, morale, intelligente et perfectible, se connaissant et se possédant, affirmant sa destinée et la réalisant par l’entier développement de ses forces, par le complet exercice de ses facultés et de ses droits, par l’accomplissement total de ses devoirs envers sa propre dignité qui consiste à ne jamais cesser de s’appartenir ». Les déclarations nettement rationalistes et antireligieuses contenues dans le Catéchisme émurent un des membres de l’Assemblée nationale, M. de Gavardie. Dans la séance du 6 janvier 1872, il crut devoir appeler l’attention du garde des sceaux « sur la nécessité de poursuivre, en vertu de la législation existante, des faits qui — selon lui — constituaient véritablement des délits prévus par nos lois pénales. » Dufaure répondit par quelques paroles évasives, et l’affaire en demeura là.

Les amis politiques de Leconte de Lisle avaient-ils eu, comme on l’affirme, la velléité de faire de lui, un député ou un sénateur ? N’en furent-ils détournés que par le fâcheux effet produit par la divulgation des Papiers Impériaux ? Et la France y perdit-elle, comme on l’a insinué, un grand ministre de l’Instruction publique ? Quoi qu’il en soit, le sort du poète se trouva assuré d’une manière moins brillante, mais plus conforme à ses goûts et plus avantageuse pour son repos. Le gouvernement