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LECONTE DE LISLE

fesseur de Rennes a-t-il donc eu assez d’influence pour y convertir — pour convertir au sens plein du terme — le jeune créole incrédule et têtu qui apportait de son ue un si superbe mépris pour « la religion dégénérée du Christ » ? Au fond, les idées de Leconte de Lisle n’ont pas changé. Il n’a pas abandonné ses opinions politiques. En cette année 1840, n’étant pas, comme il dit à Rouffet, « républicain pour des prunes », il ne peut s’empêcher de protester en vers que d’ailleurs il se garde de publier — contre le retour annoncé des cendres de l’Empereur.


Tu vas abandonner dans son immensité
Ce phare qui disait : Ici l’aigle a quitté
L’ombre des bords humains pour la voûte éternelle
Ô cendre, ne viens pas !………
Ne viens pas rappeler qu’il étouffa vingt ans
La Vierge Liberté qui naissait dans le monde !
Ne viens pas rappeler qu’en un jour triomphal
Il plongea dans son sein le glaive impérial !…


Il n’a pas davantage renoncé à ses convictions philosophiques, Mais dans ce milieu breton, tout imprégné de poésie religieuse, au contact de ces jeunes gens, ses amis, dont la plupart sont sortis des séminaires ou des collèges ecclésiastiques de la province, il s’est enthousiasmé non pas pour le catholicisme à la Turquety, non pas même pour le traditionalisme à la Brizeux, mais pour un large spiritualisme, qu’il oppose à ce qu’il appelle d’un terme énergique « la brutalité du siècle, l’appétit de jouissances, le mépris de la pensée et de l’art. Ses dieux littéraires, en 1840, c’est, avec Victor Hugo, George Sand et La Mennais George Sand « poète éclatant


                                       Âme que le génie
Fit d’un rayon d’amour, d’orgueil et d’harmonie.
Lyre où tombe un reflet de l’immortalité,
Qui chante dans l’extase et dans la majesté !…


George Sand, « prêtresse de l’art


               Sans qui périrait tout un monde,
Le monde de l’esprit, orbe des divins airs,
Qui d’elle, son soleil, reçoit ses mille éclairs !


Parmi les héroïnes qui passent dans ses romans, celles qu’il