Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/55

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il n’y eût jamais eu entre eux que l’émulation de se rendre réciproquement heureux ; alors l’oisiveté, l’inaction, auraient été les seuls vices, les seuls crimes et les seuls opprobres ; alors l’ambition aurait été, non le désir de subjuguer ou d’opprimer les hommes, mais celui de les surpasser en industrie, en travail, en diligence : les égards, les louanges, les honneurs, la gloire, auraient été de continuels sentiments de gratitude, ou de conjouissance, et non pas de honteux tributs de la bassesse, ou de la crainte pour ceux qui les paient, ou de vains et d’orgueilleux appuis de ce qu’on nomme fortune, élévation, pour ceux qui les exigent et les reçoivent.

Le seul vice que je connaisse dans l’univers, est l'avarice ; tous les autres, quelque nom qu’on leur donne, ne sont que des tons, des degrés de celui-ci ; c’est le Protée, le Mercure, la base, le véhicule de tous les vices. Analysez la vanité, la fatuité, l’orgueil, l’ambition, la fourberie, l’hypocrisie, le scélératisme ; décomposez de même la plupart de nos vertus sophistiques, tout cela se résout en ce subtil et pernicieux élément, le désir d’avoir : vous le retrouverez au sein même du désintéressement.

Or, cette peste universelle, l’intérêt particulier, cette fièvre lente, cette éthisie de toute société aurait-elle pu prendre où elle n’eût jamais trouvé, non seulement d’aliment, mais le moindre ferment dangereux ?

Je crois qu’on ne contestera pas l’évidence de cette proposition : Que là où il n’existerait aucune propriété, il ne pourrait exister aucune de ses pernicieuses conséquences.

Idée de la probité naturelle ; comment on pouvait en prévenir la corruption.

Alors la probité naturelle qui, dans l’ordre général de l’univers, est le résultat d’un arrangement infiniment sage,