Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/59

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pensé à ravir, ou par force ou par ruse, ce qui ne lui eût jamais été disputé ?

Je veux convenir que, malgré les sages précautions de notre système d’éducation, il eût toujours existé parmi les hommes quelques sujets de contention, de dispute ; mais ces légères irrégularités auraient été aussi passagères que les causes et les circonstances qui les auraient produites. La cause générale et permanente de toute discorde n’existant point, le cœur humain ne se trouvant plus exposé à de longues et violentes secousses, ni agité de cruelles perplexités, il est évident qu’il n’eût pu contracter les vicieuses habitudes qui le dépravent : d’ailleurs, les préjugés pacifiques de son éducation eussent sans cesse aidé la raison, qu’une infinité de fausses idées n’eussent point offusquée à calmer de très-faibles agitations.

Quelle éducation perpétue les erreurs de la morale.

Ce que je viens d’accorder à nos adversaires me fournit de nouvelles armes contre eux. Puisqu’il n’est point de la condition présente de l’humanité de trouver des moyens parfaitement efficaces de prévenir tout trouble dans une société, quels funestes effets ne doit-il pas résulter des préceptes, des exemples et des préjugés transmis de père en fils, par une éducation qui, d’après une morale pleine d’erreurs énormes, respectées comme d’éternelles vérités, effarouche l’homme dès son enfance, et ne tourne sa raison naissante que sur des considérations affligeantes ? Est·il étonnant alors de voir cette raison devenir un des plus dangereux instruments de méchanceté ? C’est de là qu’il en faut dater les égarements.

En effet, à quoi cette éducation prépare-t-elle et l’esprit et le cœur, sinon à subir le joug d’une morale factice qui