Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/60

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tourne le dos à la nature, et se trouve perpétuellement en contradiction avec elle-même, puisque, par ses propres conseils, les choses se trouvent malheureusement arrangée, ou plutôt bouleversées, de façon qu’en une infinité de circonstances, il faut qu’il naisse de violentes et fougueuses passions, des moyens mêmes qu’elle indique pour les combattre et les dompter ?

La plupart des législateurs ont rompu les liens de sociabilité, et occasionné ou entretenu les suites fâcheuses de cette rupture.

Tâchons maintenant de confirmer, par l’expérience, des vérités que nous venons d’établir par le raisonnement ; vérités importantes et précieuses qui, depuis six à sept mille ans, qu’une grande partie de notre espèce se souvient d’avoir reçu des lois, ont été contredites par ceux qui se sont mêlés de les lui prescrire.

Montrons que ces prétendus sages, que notre imbécillité admire, en privant la moitié des hommes des biens de la nature, ont abrogé ses sages dispositions, et ont ouvert la porte à tous les crimes[1]

Ces guides, aussi aveugles que ceux qu’ils prétendaient conduire, ont éteint tous les motifs d’affection qui devaient nécessairement faire le lien des forces de l’humanité. Ils ont changé toute prévoyance unanime, toute communication de secours, en de timides soucis partagés entre les membres dépecés de ce grand corps ; ils ont, par mille agitations contraires de ces parties désunies, confondues,

  1. Qu’on suspende ici l’objection qu’on pourrait me faire en faveur des législateurs ; qu’ils n’ont rien changé ni corrompu. Je prouverai, par la suite, que plusieurs en peuvent être accusés, et qu’en fait de reforme, qui n’améliore rien, gâte tout.