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allumé l’incendie d’une ardente cupidité : ils ont excité la faim, la voracité d’une avarice insatiable. Leurs folles constitutions ont exposé l’homme aux risques continuels de manquer de tout : est-il étonnant que, pour repousser ces dangers, les passions se soient embrasées jusqu’à la fureur ? Pouvaient-ils mieux s’y prendre pour faire que cet animal dévorât sa propre espèce ? Aussi, que d’efforts ces empiriques n’ont-ils pas dû faire pour empêcher un malheur qui devait indubitablement arriver !

Il a fallu, à force de règles, de maximes, reboucher les ruptures continuelles d’une digue imprudemment opposée au cours paisible d’un ruisseau gonflé par cet obstacle, et devenu, par ses débordements, une mer orageuse.

De maladroits machinistes ont rompu des liens, des ressorts dont la dissolution allait entraîner celle de toute humanité, et ils tâchent d’arrêter sa ruine à force de ligaments bizarrement entortillés, et de contrepoids appliqués au hasard. Que naît-il de leurs travaux ? De volumineux traités de morale et de politique, quorum tituli remedia habent, pixides venena[1].

Beaucoup de ces ouvrages peuvent donc s’intituler, les uns : L’art de rendre les hommes méchants et pervers sous les plus spécieux prétextes, et à l’aide même des plus beaux préceptes de probité et de vertu ; l’étiquette des autres sera : Moyens de policer les hommes par les règlements et les lois les plus propres à les rendre féroces et barbares.

Pourquoi les lois de la nature sont devenues impraticables.

C’est en conséquence de ces bévues de nos premiers maîtres de morale, que celle de la Basiliade paraît abso-

  1. Lactance