Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/70

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tuelle dépendance qui les égalise, et les porte à agir de concert. Ne poussons point plus loin un raisonnement sur lequel se fonde notre morale vulgaire, et dont elle rend les conséquences familières. Je sape cette base par un seul mot ; elle porte sur une absurdité qui est la prétendue nécessité de partager ce qui ne devait point l’être. Qu’est-il besoin d’aller chercher la dépendance des hommes les uns des autres, et la réciprocité des secours, dans un expédient aussi pernicieux que l’inégalité de fortune, tandis que la nature en offrait tant d’autres si simples et si merveilleux.



Combien les maximes de la politique vulgaire
révoltent le bon sens.


Voyons un peu comment serait reçue la harangue d’un de nos savants européens, qui dirait à quelqu’un des peuples américains dont nous venons de parler :

« Mes amis, je loue et admire l’humanité avec laquelle vous vous entraidez, le zèle infatigable avec lequel vous travaillez en commun à pourvoir à vos besoins communs ; mais, croyez-moi, vous possédez de vastes contrées que personne ne vous dispute ; défrichez ces déserts ; le fonds en doit être fertile : puis partagez entre vous ces campagnes : cependant observez une chose : il ne faut pas que les parts soient égales, ni même que tous en aient ; car alors, chacun travaillant sur le sien, et pouvant subsister du produit de son fonds, personne ne voudrait, plus aider son voisin : d’ailleurs, les successions, les alliances, l’accroissement du nombre des familles, occasionneraient bientôt de nouveaux partages qui détruiraient l’égalité des premiers. Il faut donc, dans cette distribution des terres, garder certaines pro-