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Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/71

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portions ; quelques citoyens auront plus que les autres : ce corps sera le premier de la république, et comme le dépositaire de ses richesses ; vous en tirerez vos chefs et les personnes de qui vous suivrez les conseils ; ils décideront vos différends : c’est en faveur de ces services qu’il est à propos qu’ils soient un peu plus à leur aise que les autres. Le reste du peuple sera divisé en plusieurs classes, dont les possessions iront en diminuant, jusqu’à la dernière, qui sera composée de gens vivant de leur travail, d’artisans de toute espèce, sur lesquels, au moyen d’une récompense journalière, le reste des citoyens se reposera de tous travaux pénibles ; ainsi ces gens seront comme les bras de la société. »

Notre moderne Solon, pour appuyer sa harangue, n’oublierait pas l’apologue[1] de Ménénius : de semblables récits ont beaucoup de pouvoir sur des esprits grossiers ; ensuite il s’étendroit sur les moyens de maintenir cet ordre, et pour le présent, et pour l’avenir ; et après avoir raisonné sur toutes ces choses, notre faiseur de projets politiques conclurait par s’applaudir de la beauté de l’invention.

« Insensé que tu es, lui répondrait quelque vieux sauvage, tu nous donnes là de beaux conseils : tu admires, dis-tu, la concorde qui règne entre nous, et tu t’efforces de nous persuader tout ce qu’il faut pour la détruire : tu trouves notre façon de vivre trop grossière et trop pénible ; tu nous proposes la culture des terres pour nous mieux assurer l’abondance. Cet avis est fort bon ; mais tu le gâtes par tes partages. Tu prétends nous faire goûter les avantages d’une société bien réglée, et tu nous
  1. La table de la révolte des membres du corps contre l’estomac ; exemple mémorable des insignes absurdités que nous vantent les moralistes.