Aller au contenu

Page:Etudes de métaphysique et de morale, 1916.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Voilà donc comment la métaphysique cartésienne en vient tout naturellement chez Malebranche à s’identifier avec la théologie, et avec une certaine théologie. Théologie même qui mérite d’être suspectée ; car très involontairement et très indirectement sans doute, mais très certainement, elle favorise cette conception des athées qui fait jouer aux lois générales le rôle de causes efficientes[1]. Tout au moins peut-on dire, — et là-dessus Maine de Biran prend volontiers à son compte une idée qui, pour être courante, n’en est pas historiquement mieux fondée, — que le malebranchisme et le spinozisme sont de très proches parents : l’importance souveraine que l’un et l’autre accordent, sous l’influence du cartésianisme, à la notion de substance, leur même façon d’abstraire la causalité de la forme du moi pour affirmer l’unité de cause, leur commune tendance à faire résider l’être dans une sorte de fond immobile et passif : tout cela les rapproche singulièrement l’un de l’autre, jusqu’à les faire coïncider en bien des points essentiels[2].

Que faut-il donc objecter à la doctrine de Malebranche ? Avant tout, qu’elle contredit le témoignage décisif de la conscience, et

    ports du physique et du moral de l’homme, ouvrage posthume de M. Maine de Biran publié par M. Cousin, 1834, p. 38-42. — Essai sur les Fondements de la Psychologie, Œuvres inédites de Maine de Biran publiées par Ernest Naville, avec la collaboration de Marc Debrit, 1859, t. I, p. 248-249, p. 292 et suiv. — Nouveaux Essais d’Anthropologie, Ibid., t. III, p. 416. p. 435, — Nouvelle édition de la note de 1824 de Maine de Biran sur l’idée d’existence, par Tisserand, 1908.

    Que l’occasionalisme dérive directement du cartésianisme, cela est incontestable. Que Descartes ait été en fait occasionaliste par endroits, ceci est moins sûr. (Voir O. Hamelin. Le système de Descartes. p. 213-289.) Maine de Biran, quoiqu’il fasse de Descartes le promoteur de l’occasionalisme, relève cependant lui-même tel passage où Descartes déclare que l’expérience qui nous enseigne que l’âme meut le corps est une expérience certaine. Au fait, la façon dont Descartes, dans sa Correspondance avec la princesse Élisabeth, explique l’action de l’âme sur le corps, beaucoup moins scolastique dans le fond que ne le dit Hamelin, et même nullement scolastique, paraît rapprocher Descartes en quelque mesure de Maine de Biran : car elle représente cette action comme sui generis, et prévient qu’il ne faut pas confondre « la notion de la force dont l’âme agit dans le corps avec celle dont un corps agit dans une autre », 21 mai 1643, Ed. Adam-Tannery, t. III, p. 667. Voir aussi la lettre du 28 juin 1643, Ibid., p. 691 et suiv.

  1. Note sur certains passages de Malebranche et de Bossuet, Ed. Cousin, t. III, p. 336.
  2. Considérations sur les principes d’une division des faits psychologiques et physiologiques, Ed. Cousin, t. III, p. 170. — Réponses aux arguments contre l’aperception immédiate d’une liaison causale entre le vouloir primitif et la motion, à la suite des Nouvelles Considérations sur les rapports du physique et du moral, publiées par Cousin, p. 373. — Réponse à M. Guisot, Ed. Cousin, t. II, p. 386. — Nouveaux Essais d’Anthropologie, Ed, Naville, III, p. 382, p. 415, p. 503, p. 511. — Rapports des sciences naturelles avec la Psychologie, Nouvelles Œuvres inédites publiées par Bertrand, 1887, p. 219.