qu’elle sacrifie à des conceptions ontologiques des vérités psychologiques cependant incontestables. Or, d’où Malebranche a-t-il pu tirer sa notion de cause et de pouvoir efficace, sinon de ce que lui découvre le sentiment intérieur ? Et alors de quel droit peut-il soutenir que cette notion ne vaut que juste en dehors et au delà de la source où il l’a puisée ?
À l’origine de l’occasionalisme il y a un vice radical de méthode qui consiste à faire invalider par des conceptions objectives et absolues ce que le sujet est pour lui-même et ce qu’il s’attribue à lui-même dans une aperception immédiate de lui-même. Ce vice apparaît en particulier dans les arguments par lesquels Malebranche conclut à l’impossibilité d’une action de l’âme sur le corps. Malebranche ne conteste pas en effet que nous ayons le sentiment de l’effort moteur ; seulement il le traite d’illusion, parce qu’il ne peut en accorder la réalité avec la nature en soi de l’âme telle qu’il la définit. Cependant, si nous croyons justement que nous faisons effort quand la conscience nous atteste que nous le faisons, pourquoi ne devrions-nous pas croire à l’efficace de cet effort quand la conscience nous l’atteste également ? Car il s’agit, remarquons-le bien, de constater cette efficacité au seul regard de la conscience, sans prétendre envisager l’action de l’âme dans l’absolu. Certes, de ce que le moi est la cause efficiente subjective de la sensation musculaire nous pouvons être autorisés à conclure par induction que l’âme est la cause absolue objective des mouvements volontaires du corps ; mais c’est là une tout autre question, et en tout cas jamais on se saurait poser hors de la conscience quoi que ce soit qui contredise la conscience pour ce qui la concerne, ou même qui ne l’admette pas comme point de départ. C’est parce que Malebranche prétend résoudre d’emblée par raison pure le problème de la communication des substances prises absolument qu’il se montre inconséquent avec lui-même sur la portée qu’il attribue aux révélations du sens intime.
Ainsi il est conduit à dépouiller certaines données de conscience de leurs caractères propres, ou à les frapper de suspicion en vertu d’analogies qu’il leur découvre avec d’autres données qui ne leur ressemblent pas. Autre chose est effort, dit-il, autre chose efficace. Mais cette observation prouverait plutôt l’efficacité, sinon absolue, du moins relative de l’effort. Car il y a un sentiment de l’effort impuissant qui ne peut se spécifier pour nous que par son opposi-