des corps est indémontrable. Mais il affirme, non moins catégoriquement, que les corps existent. Nous en sommes assurés, dit-il, par la révélation.
En parlant ainsi, il limite visiblement la portée de la raison comme faculté de voir les choses dans leurs archétypes mathématiques. Et l’on pourrait se demander si, en dehors de la connaissance rationnelle, il n’admet pas l’existence d’une connaissance proprement mystique. Mais il s’agit de savoir quelle idée il se fait au juste de Dieu et de ses révélations.
Or c’est une maxime essentielle de la philosophie de Malebranche, que Dieu, en tout ce qu’il fait, suit les voies les plus simples, agissant par là en conformité avec la raison. Nous devons donc croire, en vertu de notre raison même, que l’existence des corps, dont la révélation nous informe, n’est pas une création absolument nouvelle, mais se rattache de quelque manière, à la nature des essences, si bien que, dans l’étude des phénomènes sensibles les plus particuliers, il reste légitime et nécessaire de poursuivre des explications mécaniques.
Une seconde conséquence de la conception mathématique de l’univers, c’est l’impossibilité de concevoir un rapport d’influence entre les mouvements des corps et les sentiments qui, dans notre âme, correspondent à ces mouvements.
D’une manière générale, une créature ne peut agir dans une mesure quelconque, sur une autre créature. En effet, les accidents, chez les êtres réels, ne sont pas séparables des substances ; et modifier la substance, c’est créer ou anéantir. Or, à Dieu seul il appartient de créer ou d’anéantir. Toute puissance, donc, qu’elle s’exerce sur les substances ou sur les accidents, appartient exclusivement à Dieu.
Comme, d’ailleurs, l’étendue et le sentiment sont choses entièrement différentes, toute tentative d’expliquer les phénomènes de l’un par les phénomènes de l’autre est frappée de stérilité. L’étendue et le sentiment coexistent, d’une manière purement contingente ; et, s’il y a correspondance entre les modifications de l’un et les modifications de l’autre, ce ne peut être qu’en vertu d’un libre décret de Dieu. Les modifications des substances spirituelle et corporelle ne peuvent être causes véritables les unes des autres ; le seul nom qui convienne au rôle qu’elles remplissent est celui des causes occasionnelles.