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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

c’est que nous les avons artificiellement transformées en ce que j’ai appelé plus haut un principe. Cette transformation, nous l’avons faite librement, et comme le caprice qui nous a déterminés à la faire est quelque chose d’éminemment contingent, nous avons communiqué cette contingence à la loi elle-même. C’est en ce sens que nous avons le droit de dire que le déterminisme suppose la liberté, puisque c’est librement que nous devenons déterministes. Peut-être trouvera-t-on que c’est là faire la part bien large au nominalisme et que l’introduction de ce sens nouveau du mot contingence n’aidera pas beaucoup à résoudre toutes ces questions qui se posent naturellement et dont nous venons de dire quelques mots.

Je ne veux nullement rechercher ici les fondements du principe d’induction ; je sais fort bien que je n’y réussirais pas ; il est aussi difficile de justifier ce principe que de s’en passer. Je veux seulement montrer comment les savants l’appliquent et sont forcés de l’appliquer.

Quand le même antécédent se reproduit, le même conséquent doit se reproduire également ; tel est l’énoncé ordinaire. Mais réduit à ces termes, ce principe ne pourrait servir à rien. Pour qu’on pût dire que le même antécédent s’est reproduit, il faudrait que les circonstances se fussent toutes reproduites, puisqu’aucune n’est absolument indifférente, et qu’elles se fussent exactement reproduites. Et, comme cela n’arrivera jamais, le principe ne pourra recevoir aucune application.

Nous devons donc modifier l’énoncé et dire : si un antécédent produit une fois un conséquent , un antécédent peu différent de , produira un conséquent peu différent de . Mais comment reconnaîtrons-nous que les antécédents et sont « peu différents » ? Si quelqu’une des circonstances peut s’exprimer par un nombre, et que ce nombre ait dans les deux cas des valeurs très voisines, le sens du mot « peu différent » est relativement clair ; le principe signifie alors que le conséquent est une fonction continue de l’antécédent. Et comme règle pratique, nous arrivons à cette conclusion que l’on a le droit d’interpoler. C’est en effet ce que les savants font tous les jours et sans l’interpolation toute science serait impossible.

Observons toutefois une chose. La loi cherchée peut se représenter par une courbe. L’expérience nous a fait connaître certains points de cette courbe. En vertu du principe que nous venons