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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

que nous avons dû avoir d’abord l’idée d’un espace homogène, c’est-à-dire d’un espace dans lequel tous les mouvements étaient également possibles. Cette propriété primitive de l’espace est peu visible maintenant dans les régions de l’espace que je connais bien ; mais quant aux régions que je suppose au-delà des étoiles et des nébuleuses, je les conçois et je les construis justement comme, à mon premier éveil supposé, j’ai dû construire le monde entier. L’infinité de l’espace doit s’entendre de même comme exprimant que, l’idée de l’espace vide précédant nécessairement toute expérience possible, je ne puis absolument pas concevoir une expérience quelconque, par exemple celle d’un mouvement en ligne droite, à laquelle l’espace puisse manquer jamais. Et enfin je dis que l’espace est indivisible, parce que la connaissance distincte des parties de l’espace a pour condition la connaissance préalable d’un tout de l’espace, ce qui rend absurde l’idée que l’espace puisse être considéré comme une somme de parties, ou, inversement, puisse être divisé en parties.

Dans le tout de l’Univers, d’abord posé, il faut que je découvre des objets, c’est-à-dire des relations déterminées entre telles et telles sensations. Pour cela, il faut d’abord que je connaisse l’effet de tel mouvement ; il faut donc que je le fasse ; de sorte que la forme ici encore précède la matière, et que le mouvement est nécessairement réalisé avant son contenu. Et cela s’accorde bien avec la méthode des géomètres. Quand je pose d’abord le point, c’est comme si je disais qu’une position a été naturellement position pour moi, avant d’être tel objet, c’est-à-dire que j’ai conçu des lieux ou positions avant de savoir ce qui y était. Le point des géomètres exprime très exactement ce premier terme de notre connaissance d’un objet, déterminé quelconque, la pure position sans aucune qualité.

De même la ligne droite exprime bien que la pure action est antérieure à toute action. Pour découvrir cette loi qui unit des sensations à des sensations, et qui est tout ce que j’appelle une représentation d’objet, il faut bien que j’achève d’abord un mouvement. Comme ma connaissance du monde va de l’ensemble aux détails, de l’objet en général aux objets particuliers, il faut bien que je détermine quelques positions avant de les déterminer toutes, et ainsi que je me représente le tout d’un mouvement sans me représenter toutes les positions intermédiaires. Il arrive donc nécessairement que je conçois le mouvement comme relation pure et simple entre deux posi-