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G. LANSON. — À propos de la « crise du libéralisme »

l’action. Et il ne suffit pas, pour le soustraire à la répression, que l’avis donné aux amis soit imprimé, et non manuscrit, public, et non secret. Il arrivera sans doute plus d’une fois que la distinction ne sera pas si nette : c’est l’affaire des tribunaux d’apprécier les espèces ; et s’il leur arrive d’être embarrassés ou de se tromper, cela n’atteint pss le principe.

Seulement il faut faire là-dessus trois remarques : 1o La liberté de penser est une chose de telle valeur que, dans les cas mélés et ambigus, mieux vaut absoudre un acte délictueux que condamner une opinion. 2o Dans le régime démocratique, où tous les hommes publics ne sont que les mandataires de la nation, ils doivent être soumis à la surveillance et à la critique de la presse ; c’est la seule garantie qu’ait la naiion contre les tentations du pouvoir et les coalitions de l’esprit du corps. Or la fameuse distinction de la vie privée et de la vie publique est impossible à faire toujours, et du reste fausse, inventée pour la protection des vicieux et des tarés. Il doit être interdit, et punissable, de calomnier un homme public : mais il doit être permis d’écrire, si c’est vrai, qu’il est ivrogne, escroc, joueur, etc. Je n’aimerais pas à choisir pour mandataire un pilier de cercle où un homme qui aurait lâché femme et enfants ; et la bonne gestion des affaires de l’État est intéressée à ce que nous sachions si le pauvre diable dont nous avons fait il y a dix ans, un député est trois fois millionnaire aujourd’hui. Pas de contrôle sans dureté, sans dénonciation et sans attaques. Aux intéressés de poursuivre la diffamation et de faire éclater la calomnie. 3o Il n’y a pas de délits de presse. Il y a des délits commis à l’aide de la presse : ce qui n’en change pas la qualité. Toute législation spéciale, toute institution de tribunaux spéciaux pour la presse révèlent une intention de museler la presse, d’empêcher l’expression des opinions et la discussion ou le contrôle des actes de l’autorité. Les tribunaux de droit commun doivent suffire à 18 répression des délits dont la presse est l’instrument.

Je n’ai pas besoin de dire que la liberté religieuse se trouve impliquée das la liberté de pensée, et, comme elle, ne saurait recevoir de limites. Je ne crois pas ; ma pensée travaille à substituer des convictions rationnelles aux croyances fondées sur les révélations et le miracle ; je me fais une conception de l’univers et de l’homme, de la science et de la morale, qui exclut tous les dieux, et Dieu. Il n’importe. Quiconque veut croire, fût-ce à l’erreur, fût-ce à l’absurde,