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G. LANSON. — À propos de la « crise du libéralisme »

d’éducation ? On retiendra que par État, j’entends les pouvoirs organisés d’une société démocratique où la volonté nationale fait la loi, et où le gouvernement n’est qu’un agent d’exécution théoriquement sans intérêt et sans volonté propre. Le droit d’intervention de l’État en régime démocratique se fonde sur deux choses : 1o Le père peut abuser de son autorité. Qui défendra le mineur, là où le tuteur naturel est celui justement contre qui il faut le défendre ? On accordera aisément que ce doit être l’État, tuteur civil, à côté du tuteur naturel. Déjà il interdit au père, par la loi de l’obligation scolaire, d’abuser de sa puissance pour laisser l’enfant illettré. En certains cas d’indignité ou de sévices, il déclare la déchéance du père. 2o L’enfant est un futur citoyen. Aujourd’hui que tous les citoyens ont part au gouvernement du pays, par le droit de suffrage, il est impossible de considérer l’éducation comme chose strictement privée et affaire de famille. L’éducation du futur électeur est une affaire d’État ; et il est juste que l’État s’en mêle.

Est-ce le retour au monopole ? Je ne l’entends pas ainsi. Théoriquement je conçois deux régimes, tous les deux légitimes : l’éducation fonction exclusive de l’État, et l’éducation seulement contrôlée par l’État. Je crois en certains pays le premier régime très compatible avec les principes libéraux. Mais je ne le crois pas compatible avec eux dans la pratique pour notre pays. Notre histoire condamne le monopole pour longtemps, peut-être pour toujours, à être un instrument d’oppression et de tyrannie intellectuelles. Reste donc le régime de l’éducation remise aux particuliers, isolés ou associés, sous le contrôle de l’État, ce qu’on appelle le régime de la liberté. Dans ce régime, l’État pourra avoir ses établissements auxquels l’activité des individus ou des corporations pourra opposer une concurrence. D’ailleurs ce régime de liberté n’implique pas que tout le monde pourra enseigner, mais que l’État fixera les conditions auxquelles qui que ce soit devra satisfaire pour avoir le droit d’enseigner, et exercera le contrôle nécessaire pour s’assurer que ces conditions ne sont pas violées ou éludées. Quelles seront ces conditions de capacité ? Là est le point délicat ; là seront les contestations. Évidemment ceux que ces conditions gêneront, prétendront leur liberté opprimée : mais il y a des restrictions qui ne sont pas réellement oppressives.

Le point essentiel sera de ne porter atteinte d’aucune façon à la liberté de conscience. Ce but sera atteint si l’État n’exige ou n’exclut