Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/41

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vous avez là… comme l’autre jour ? demanda le Breton.

— Il est déjà tout fané !

— N’importe ! donnez-m’en tout de même !

Maurette jeta un coup d’œil dans la rue et vit Gadras, le savetier d’en face, qui, tout en tapant sur une semelle, regardait de ce côté.

— On me verrait… dit-elle.

Et, devant la déception de son amoureux, elle ajouta :

— Une autre fois…

Sur cette promesse, Kérado s’en alla, radieux, et Reine reprit sa place.

Elle avait tort sans doute de se défier du cordonnier ; il l’eût vue donner une fleur au commis des tabacs, et même un baiser, qu’il n’en eût rien dit : c’était dans l’esprit du pays. En ce temps, à Montglat, les lois de la nature primaient généralement les conventions sociales, et il y était à peu près admis qu’une jeune fille peut légitimement avoir un amant. On y faisait l’amour un peu comme au temps des seconds Valois. Sans trop s’attarder dans le sentiment, les galants allaient à la réalité tangible. Quant aux suites, on s’épousait quelquefois, car une certaine loyauté régissait ces liaisons qui étaient ordinairement relevées par la fantaisie et même le danger : témoin le poignet de Viermont : de rares désespérées seulement recouraient parfois à des moyens extrêmes. Dans cette heureuse ville, les mœurs étaient très tolérantes. Celui qui voyait deux amou-